J’ai été récemment invité en tant qu’architecte paysagiste dans une équipe pluridisciplinaire mandaté pour faire évoluer le parc des Libellules, situé dans le quartier éponyme à Vernier, dans le canton de Genève. Ce parc fait partie d’une des zones prioritaires à aménager dans le Canton, et ma mission s'inscrit dans une démarche de sensibilisation, de participation et de collaboration avec les habitants.
Le parc est géré par la Ville de Vernier, bien qu'il appartienne à la Ville de Genève et fasse partie d’un projet de parc linéaire du Canton. Cette situation administrative, un peu complexe, nécessite de référer au canton pour toute action, ce qui peut parfois donner l'impression d'un véritable mille-feuille bureaucratique. Les habitants expriment un besoin croissant d'amélioration de leur cadre de vie. Plusieurs acteurs et fondations sont impliqués dans ce projet, notamment la Ville de Vernier, le Canton de Genève, l’Open Urbanisme Foundation (OUF) mandaté par le Canton, l’Open Business Foundation (OBF) avec le dispositif Ecoboost, qui vise à favoriser l’intégration sociale et professionnelle. Ecoboost se présente comme un écosystème dynamique, permettant aux habitants, étudiants, jeunes, professionnels et entrepreneurs de s’épanouir et de contribuer à l’avenir de leur territoire.
Dans ce contexte, nous avons entrepris d'aller à la rencontre des habitants du quartier des Libellules, un secteur parfois sensible, où de nombreuses problématiques sociales se posent. Le parc, bien qu'il possède un potentiel indéniable avec ses aires de jeux pour enfants et ses terrains de beach-volley, souffre d'un manque d'ombre, un point soulevé par les résidents. La plantation d'arbres devient alors une priorité, et nous avons souhaité le faire de manière collaborative, en impliquant les habitants dans le processus.
Pour ce faire, nous avons mobilisé diverses institutions, notamment ATD quart monde, la maison de quartier de Libellules, la ville de Vernier, la ville de Genève et le Canton. Mon rôle a consisté à écouter les besoins des habitants et à les intégrer dans un cadre légal afin de garantir la faisabilité du projet. Lors d'une première rencontre participative, les résidents ont exprimé leurs souhaits : plus d'arbres, de l'eau et de la fraîcheur. La végétalisation du parc est donc devenue une nécessité, tout comme l'idée d’apporter de l’eau, jeux d’eau ou installation de systèmes de brumisation. L'atelier participatif que nous avons organisé a été un moment clé. En réunissant des participants de toutes générations, origines, classes sociales, nous avons créé des dessins, des collages et des montages, transformant les idées en visuels concrets. Cet échange a permis de clarifier les attentes et de préparer notre projet pour les autorités.
Actuellement, nous disposons de deux budgets distincts, dont un financé par le canton et l’autre par les fondations OUF et OBF. L'objectif est clair : apporter de l'ombre et de l'eau au parc. La plantation d'arbres réalisée récemment n'est que la première étape d'un processus plus vaste. Le canton souhaitant doubler, voire tripler la surface de couverture de canopée, et la ville partage cette vision.
Traditionnellement, les communes mandatent des bureaux d'études pour dessiner des projets, sans impliquer réellement la population. Dans notre démarche, les idées viennent directement des habitants et remonte la hiérarchie administrative selon le principe bottom-up.
Les institutions étant parties prenantes, elles se sont naturellement impliquées. la commune de Vernier a mis à disposition les arbres une pépinière urbaine, ce qui nous a permis de sélectionner de grands arbres adaptés au projet. J'ai ainsi défini les zones optimales de plantation en tenant compte de l'ensoleillement et des besoins d'ombrage. Elle nous a aussi fournit du matériel et une équipe de paysagistes.
Le jour de la plantation, en mars dernier, nous avons mobilisé les équipes de la ville et invité les habitants, notamment des groupes d'enfants, à participer. L'enthousiasme était palpable : entre 30 et 40 personnes se sont relayées et se sont jointes à nous pour mettre les mains dans la terre. Ce moment de partage a été enrichissant pour tous, favorisant la curiosité et l'apprentissage. Les enfants ont adoré utiliser les outils, tandis que les adultes posaient de nombreuses questions aux ouvriers de la commune, créant ainsi un véritable échange de connaissances.
Ce projet a non seulement renforcé les liens entre les habitants et les autorités, mais il a également permis de sensibiliser chacun à l'importance de la programmation participative. Il était gratifiant de voir les principes de plantation expliqués aux enfants et aux adultes, semant peut-être les graines de futures vocations de paysagistes.
En somme, le parc des Libellules est en train de se transformer en un espace de vie plus agréable et accueillant, grâce à l'engagement collectif des habitants et des institutions. Ce projet illustre parfaitement comment la collaboration peut donner naissance à des initiatives durables et bénéfiques pour toute une communauté.
Boris Verdin
