Le cerisier de Léa :
C’est un vieux cerisier quart-de-tige d’environ 40 ans. Il a une belle structure de base en gobelet mais il n’a pas été taillé depuis plus de 5 ans. Par conséquent, il est très grand. Lorsque je suis venu lui rendre visite pour la première fois au printemps 2024, il mesure environ 6 mètres. La demande de Léa est de réduire la hauteur de l’arbre pour faciliter le ramassage des fruits et récupérer de la vue.
Nous avons choisi d’effectuer la taille du cerisier en deux fois. Aujourd’hui, je vais le réduire d’un bon mètre alors même que j’ai déjà presque coupé de la moitié de sa surface foliaire cet été.
Que se passe-t-il si on ne le coupe pas ?
Pour lui ça ne va pas lui changer sa vie ! Il sera comme un arbre dans la nature. Dans le cas de chez Léa, l’arbre prenait beaucoup de place sur la vue et la lumière. Et on ne pouvait pas ramasser les fruits, les ¾ de ces derniers étaient en haut de l’arbre. Autant dire inatteignable…
Le but ? Au lieu d’avoir 80% des cerises inatteignables, nous visons le 50/50.
Pourquoi je le taille en deux fois ?
Chez Léa, je vais donc devoir réduire considérablement le volume foliaire. Ça va être un sacré traumatisme pour l’arbre. Pour que le choc ne soit pas trop violent je le taille donc une première fois en juillet 2024, taille dite ‘’en vert’’ et cette fois-ci en février 2025.
On taille toujours quand il n’y a pas de circulation de sève (soit l’hiver ou en plein été car la végétation ne pousse pas à ces périodes).
En été je prépare l’arbre. Une taille assez grossière pour réduire les branches qui montent le plus et diminuer le volume de feuille. Il commence donc à faire ses réserves autrement, à cicatriser et à préparer des bourgeons à d’autres endroits. En le taillant à ce moment, je lui permets de mieux réagir. C’est moins violent pour lui que si je taille le tout en une seule fois.
Pour sa deuxième taille, je vais travailler une coupe plus fine, c’est-à-dire une vraie une taille de fruitier. Je vais sélectionner les branches que je vais conserver et celles que je vais supprimer. Le but c’est de continuer à réduire et à lui redonner sa structure en gobelet.
Est-ce vrai qu’un cerisier donne des cerises une année sur deux ?
On le dit mais ce n’est pas forcément vrai, ça dépend de nombreux facteurs. Parfois, quand on a plusieurs variétés, il y a des années où il y en a un qui va faire 10 fois plus de fruit que les autres années. C’est que tout d’un coup, tous les facteurs de ‘’production’’ s’alignent.
Comment expliquer alors la quantité de fruits ?
La quantité de fruits provient de nombreux facteurs mais principalement des conditions météorologiques de l’année elle-même mais aussi de la précédente.
Le gèle peut avoir un effet à plusieurs stades après que les bourgeons se soient ouverts, surtout pour les fruitiers qui fleurissent avant les feuilles. Ils fleurissent très tôt dans la saison quand il peut y avoir encore du gel. Le bourgeon est fait pour résister au gel mais si cela gèle sur la fleur ou le jeune fruit, cela peut faire avorter la fructification.
De même au moment où la fleur est en plein pollen, s’il pleut trop, cela lave le pollen. Les petites abeilles essayeront de faire leur travail mais cela sert alors plus à grand-chose. S’il y a juste une petite pluie, il y aura juste moins de fruits. En revanche, si vous avez tout d’un coup 3 jours de grosse pluie intense, il y aura presque aucun fruit !
Les arbres et les plantes en général font des fruits non pas pour nous nourrir mais pour leur subsistance. Il suffit qu’une année il fasse très sec avant le moment de la production des bourgeons à fruits et l’arbre va en produire beaucoup plus dans une logique de sauvegarde.
Il est vrai aussi qu’un arbre qui a produit beaucoup de fruit une année aura épuisé ses réserves et donc il en produira moins l’année suivante. C’est d’ailleurs ce phénomène qui fait dire aux gents que les fruitiers ne donnent qu’une année sur deux.
Mais la réalité est beaucoup plus complexe, elle dépend des facteurs que je viens de vous citer mais aussi de nombreux autres.
Revenons au vieux cerisier de Léa. Au final, je lui aurai enlevé presque les ¾ de son volume de feuilles et redonné sa forme d’arbre fruitier pour favoriser la récolte. Et l’année prochaine il va très fortement réagir à cette taille exceptionnelle. Il faudra donc certainement le suivre un an ou deux pour qu’il retrouve une croissance normale. C’est pour cette raison qu’il est très important de tailler ses arbres fruitiers, même vieux, au minimum tous les deux ans.
Pour conclure quand je taille un fruitier. Je le sculpte un peu. Je passe beaucoup de temps à tourner tout autour de lui pour essayer de m’imprégner de l’arbre, de son identité et pour voir quelles branches sont mieux et d’autres moins bien. Il ne s’agit pas une démarche mécanique. Bien entendu, il y a de la technique car je sais quelle branche je dois couper plutôt qu’une autre, mais il y a bien plus…
Il y a indéniablement une connexion avec l’arbre car je travaille avec le vivant.
Chaque arbre est différent, chaque arbre est unique.
Que pense Léa de l’intervention de Boris ?
« J’aime beaucoup l’idée de collaborer, d’être dans une démarche de partage et d’apprentissage. J’aime le fait de comprendre et de ne pas avoir quelqu’un juste qui vient, qui fait son travail et qui repart. Boris est une personne passionnée, il transmet, il raconte. Il a ce côté humain et partage qui fait toute la différence. Il sait prendre le temps dans un monde où tout va tellement vite. Il sait partager son savoir. Il est chaleureux tout en étant très pro. »